Le temps d’une interview, nous faisons un tour chez Quentin Hirsinger, fondateur de matériO’, un cabinet de curiosités débordant de matériaux innovants et inspirants. Et ce n’est pas un hasard ! A la tendance Mutation, Quentin répond par « Translucidité », une combinaison poétique des mots « Transformation » et « Lucidité ». « Translucidité » c’est aussi le nom de son espace savant à découvrir à Maison&Objet du 15 au 19 janvier.
En attendant, il nous livre quelques secrets sur des matières en mutation qui font le bonheur des designers aujourd’hui. Des matières qui se transforment selon l’usage, qui s’insèrent dans des projets d’aménagement avec agilité. Discussion.
En mutation par nature, le mycélium est en vogue, peux-tu nous en dire un peu plus sur le pourquoi du comment de son succès ?
Q.H : Pour la petite histoire naturelle, le mycélium c’est la partie souterraine et non visible du champignon, des racines qui rapidement prolifèrent et agrègent la biomasse environnante.
Dans le bâtiment, on en fait des panneaux isolants naturels efficaces. En design d’objets, le mycélium peut être moulé et prendre différentes formes organiques. Un matériau par nature entièrement biodégradable une fois qu’il est exposé aux éléments extérieurs.

Côté applications, je pense notamment à l’un des premiers designers à l’avoir utilisé, Eric Klarenbeek. Mais il y en a beaucoup d’autres. Le duo coréen Kuo Duo révélé par les Rising Talent Awards en 2025 en a fait des masques. La galerie ukrainienne Sana Moreau a également présenté en 2023, en collaboration avec S. Lab, toute une série de pièces poétiques en mycélium, des objets en édition limitée. La mode se l’approprie aussi. On pense aux semelles des sneakers d’Emilie Burfeind, par exemple.
Côté couleurs, quelles sont les dernières innovations ?
Q.H : Les pigments bactériens. Il faut savoir que les teintures et encres utilisées aujourd’hui sont principalement issues de la pétrochimie et très polluantes, aussi bien lors de leur production qu’en fin de vie. L’idée de produire ces mêmes pigments en utilisant le vivant, en l’occurrence certaines bactéries, est donc particulièrement intéressant. Une large palette de couleur est progressivement proposée. Je pense notamment à Atelier Sumbiosis fondé par Tony Jouanneau. Designer, artisan et chercheur tourné vers l’écoconception et le biodesign, Grand Prix de la Création de la Ville de Paris en 2024, c’est un exemple de création en s’appuyant sur le vivant dont le travail a été présenté notamment à Révélations, la biennale internationale des métiers d’art et création organisée par Ateliers d’Art de France.
Une autre piste qui s’appuie sur le vivant, ce sont les recherches actuelles sur l’utilisations des algues marines, qu’en penses-tu ?
Q.O : En effet, elles sont utilisées pour des applications très diverses, du textile aux matériaux de construction en passant par le mobilier. De nombreux avantages dans l’utilisation de cette ressource, car c’est d’une part une plante qui pousse en emprisonnant beaucoup de co2, elle ne nécessite pas de consommation d’eau, et enfin la ressource est très abondante, voire invasive dans certains cas. Lui trouver des débouchés est donc une évidence. Le travail du design Samuel Tomatis en est un bon exemple, des applications variées émergent.
