Luca Nichetto, l’homme aux ailes d’argent

Luca Nichetto se définit lui-même « comme une abeille qui va de fleur en fleur ».  Il fait son miel et essaimedans le mondeen un battement d’aile. On fait difficilement plus cosmopolite que ce Vénitien de naissance, désormais installé en Suède. Elevé à Murano, où son grand-père était verrier, il a naturellement débuté sa carrière chez Salviati, avant d’intégrer l’équipe de Foscarini. Designer industriel, ses deux studios basés à Venise et Stockholm conçoivent mobilier et accessoires, architecture et scénographie. Luca Nichetto a collaboré avec un nombre impressionnant d’éditeurs européens, du Hollandais Moooi, à l’Espagnol Sancal, au Suédois Skultuna 1607 en passant par quelques prestigieux compatriotes, Moroso et Cassina. Il entretient une amitié de longue date avec le Japonais Oki Sato, de Nendo. 

« Être designer en 2020 c’est être ouvert sur le monde. Je suis italien. Il est certain que mes compatriotes, comme les Scandinaves ou les Japonais, ont développé un certain langage stylistique. Mais j’aime considérer que le design est un bien commun. La crise a montré dernièrement que nous sommes tous connectés. Il serait stupide de parler encore de frontières. »

En France, il est le directeur artistique de La Manufacture, un projet ambitieux baptisé en novembre 2019, porté par Robert Acouri, du groupe Cider. La Manufacture est une maison d’édition pluriculturelle, à la fois industrielle, artisanale et durable. Le design de haut vol y dialogue avec la mode, dont la direction artistique est assurée par la styliste Milena Laquale. Dans le showroom parisien, Luca Nichetto expose aux côtés de Patrick Norguet, Sebastian Herkner et Nendo.

Fin connaisseur de la Chine, il a assuré à partir de 2013 la direction artistique de la nouvelle marque ZaoZuo, destinée à la nouvelle classe moyenne chinoise. Projet pharaonique dans lequel il a embarqué, entre autres,la Française Constance Guisset. Dernièrement, il collabore avec la marque Stellar Works, basée à Shangai, de culture japonaise et se voulant un pont vers l’Europe. Cette expertise l’a mené naturellement à faire partie du jury du premier Maison&Objet Design Award China. Les trophées, décernés en 2021, distingueront de jeunes designers chinois venus de tout le pays. « Après des années d’un grand trou, un vide en matière de design, les Chinois cherchent à définir leur identité, ce n’est pas toujours facile, analyse-t-il. Les jeunes cherchent des références dans les époques historiques, chez les Ming par exemple. » La classe moyenne, désireuse d’établir une certaine qualité de vie, dicte les codes.

La recette Nichetto ? Travailler en groupe, tisser des liens dans l’équipe, concevoir de manière plaisante des choses utiles et aimables dont les gens ont besoin. L’idée part toujours d’une émotion, avant d’être soutenue par une technique impeccable, une connaissance infaillible des matériaux, et une forte sensibilité aux couleurs. Patrizia Moroso souligne son multiculturalisme. Shu Wei, de ZaoZuo, dit avoir embauché « le meilleur ». Oki Sato aime l’ambiance familiale de ses équipes, tandis que le canadien John Baker, de Mjölk, souligne l’équilibre de ses créations entre esprit artisanal et industriel. A 44 ans, Luca Nichetto vole de projets fertiles en nouveaux territoires. N’est-ce pas le propre des abeilles ?