Son métier de designer culinaire est plein de promesses : penser le végétal, puis tout ce qui vient de la terre, est une réflexion sur notre usage du monde…
« Designer, c’est autant questionner le dessin que le dessein » dit joliment Germain Bourré. Chez lui, le crayon n’est que la dernière étape du processus de création.
Lors de la dernière édition de Maison&Objet, Germain Bourré exposait « En rentrant du marché », des cloches transparentes réfrigérées et ventilées, dans lesquelles on vient ranger là le fromage, ici les beaux légumes, ici encore un poisson frais. Regarder, respecter pour manger en pleine conscience : cet anti-frigo dans la forme, l’était aussi sur le fond. Les cloches prenaient place sur le comptoir de la cuisine de l’appartement/installation de Ramy Fischler « Design ça tourne ! » qui explorait les futurs chemins de l’art de vivre.
Germain Bourré explore, réfléchit, cogite. Son intérêt s’est porté très tôt sur le design culinaire. A la fin de ses études à l’Ecole supérieure d’art et de design (ESAD) de Reims, dont il sort diplômé en 2000, ses professeurs Marc Bretillot et Stéphane Bureaux étaient en train de jeter les bases de cette spécialité subtile et sensible. Germain Bourré y devine alors des possibilités illimitées. Il travaille avec des chefs, tels Arnaud Lallement ou Jean-Pierre Vigato. En cuisine, son intervention de designer consiste à aider le chef à exposer son histoire dans l’assiette, à inventer des contenants de présentation, elle se poursuit en salle dans le discours servi aux convives. L’ESAD-Reims lui confie la direction de son nouveau master Design et Culinaire en 2015.
Donner sa forme à un plat, dessiner son contenant, imaginer un comptoir, concevoir un point de vente ou un packaging, le design culinaire a de multiples terrains de jeu. Germain Bourré refuse de l’enfermer dans une case. A ses débuts, il s’est essayé au dessin de flacons de parfums pour Lancôme ou de gradins pour stade de foot durant cinq ans passés aux côtés de Jean-Marie Massaud. Il aime ces grands écarts offerts par son métier car pour lui, « le dessin doit se poser sur plusieurs sujets pour croiser les savoir-faire ». Même ouverture d’esprit pour les matières premières : après tout, une carotte ou un poireau sont des bases de travail au même titre qu’un bois, une pierre ou un plastique. Pour lui, tout ce qui vient de la terre doit être traité avec respect. Le designer doit questionner les enjeux de sa pratique. Il peut avoir envie de changer le monde. Ces derniers temps, les enjeux parlent de sobriété dans la consommation, de repenser les besoins.
En 2005, Germain Bourré a créé sa propre agence, qui s’appelle aujourd’hui Germ Studio. « Germ studio, c’est ce petit grain de sable qui va nous obliger à descendre de vélo et retisser le lien avec le vivant » dit-il. « La nature a toujours fait mieux que nous. Elle sait s’auto-régénérer. Elle s’impose à nous. » Après ces jours de confinement, le designer bouillonne. A quoi bon toujours produire plus si l’on ne change rien au fond de notre style de vie ? Il questionne : « A quoi sert de remplacer l’essence de nos voitures par du bio-carburant si l’on roule toujours autant ? Les cultures vont épuiser les sols. Idem si l’on remplace les sacs à usage unique par des sacs en amidon de maïs qui contiennent quand même du pétrole. Il faut changer nos habitudes, pas juste remplacer la matière première. »