Comment exister aux côtés l’iconique Paola Navone ? C’est tout l’enjeu de Cristina Pettenuzzo qui s’affirme en tant que Directrice artiste d’Otto Studio, l’agence créative créé par l’éternelle figure libre du design milanais.
Paola Navone crée son agence au mitant des années settanta. Dans la lignée de la démarche anti-design qu’elle adopte en travaillant pour les anticonformistes Alessandro Mendini et Ettore Sottsass, elle se lance, seule et loin des conventions. Son mantra, « L’ordinaire devient extraordinaire », trouve écho chez sa plus proche collaboratrice depuis 2004, Cristina Pettenuzzo. Directrice artistique d’Otto Studio – entité fondée par Paola Navone il y a vingt ans –, elle confirme : « Notre manière de travailler est résumée par ces trois mots. » Depuis la capitale du design italien, elle nous explique comment elle a su faire d’Otto studio « une structure fluide en constante évolution, capable de contaminer différents mondes ».
Nous fonctionnons comme un balancier. J’ai commencé à travailler à ses côtés jeune, à 24 ans. Elle a été mon guide, j’ai appris énormément de sa manière de « voir » les choses. Elle a su me transmettre sa curiosité, son expérience pour que, au fil du temps, je développe ma propre approche du design, appuyée sur mes qualités personnelles. Mon travail consiste à imprégner de ce savoir faire et de cette vision chaque phase de création d’un projet.
Le talent de Paola Navone n’est plus à prouver, et elle arrive toujours à surprendre. En ce qui me concerne, j’aime le contraste entre la rigueur et la folie. J’ai de la facilité à faire mon job avec amusement, curiosité et passion. Et cette faculté à aimer travailler sur une palette très large de projets, « de la petite cuillère à l’échelle de la ville » comme dit l’architecte Richard Rogers. Où que je sois, je pense en mode « recherche », ce qui me permet d’apporter à mon équipe et de manière transversale une implication sur chaque projet. Du concept au choix des matériaux, du conseil client à la mise en scène des produits, du design d’accessoires à celui des textiles et des surfaces, je suis chaque étape de A à Z.
On sait l’Asie, la Tanzanie importante pour Paola Navone.
J’aime la sophistication radicale du Japon pour la mode et les arts, l’attention portée au détail, jusque dans les packaging alimentaires. J’aime aussi la simplicité et l’excellence de l’artisanat indien. L’Inde m’a apporté beaucoup, que ce soit dans ma vie professionnelle ou personnelle. De manière générale, je reste fascinée par les arts traditionnels, qu’ils soient géographiquement éloignés ou proches de nous.
Récemment, pour un salon à Delhi, nous avons utilisé des objets du quotidien, trouvés dans des marchés aux puces pour leur donner un niveau d’interprétation différent. Nous avons fabriqué un abat-jour avec des épices rouges, des murs roses en barbe-à-papa et présentés comme des œuvres d’art ces blocs de sel que l’on donne aux vaches. J’aime donner du sens au « non remarquable » grâce à l’ironie, le recyclage et la créativité et trouver de la beauté partout, même dans les imperfections.
J’ai particulièrement aimé l’espace « Leisure » – Museum tour par François Bernard pour le raffinement de pensée qu’il dégageait. Et bien sûr le coin café que nous avons designé avec Daniel Rozensztroch et sa collection de cuillères. De manière générale, passer du temps à Maison & Objet est très inspirant et alimente notre approche dynamique, notre réflexion et nos recherches… C’est un immense réservoir de nouveaux produits, fournisseurs, contacts et tout un réseau de nouvelles collaborations potentielles.
J’espère trouver des produits et des procédés de fabrication uniques et bien sûr des trésors à des prix abordables ! Il serait intéressant de voir une sélection d'artisanat traditionnel français, non ? Et je me réjouis de retrouver toute la bonne énergie habituelle !
Une rencontre. J’aime parler en face à face avec les fabricants de mes projets les plus spéciaux et de mes customisations. Le dialogue est très important, je dirais même que c’est une chance.
Notre particularité est de casser les codes. Cela nous plaît de changer les règles du jeu à travers la simplicité, et ça permet d’être éclectique, de travailler aussi bien sur la déco d’une laverie pop que sur la rénovation d’un château en respectant les contraintes à la racine de chaque projet.
Sur l’évolution de la notion de « nouveau luxe » et les nouveaux usages des espaces. L’ « expérience » que doit offrir un lieu prend de plus en plus d’importance. Je travaille sur ces nouveaux besoins, notamment sur l’expérience tactile grâce aux objets et aux surfaces. Cela devient capital de prendre en compte dans la conception de nos produits et collections de matériaux la texture tridimensionnelle pouvant transmettre une émotion sensorielle. En France*, nous travaillons sur un hôtel en Bourgogne et une nouvelle collection pour le salon du meuble.