Purple Egg, objet de désir

En septembre dernier, un stand de la section Fashion &Accessories de Maison&Objet attisait la curiosité : le Suédois Lelo, l’un des leaders mondiaux des sex-toys, exposait pour la première fois, côte à côte avec Purple Egg, une start’up française de maroquinerie de luxe. Décalé ? Bien au contraire. D’un côté, le design contemporain a investi massivement le marché du « sexual wellness » qui se réinvente en objet high-tech. Ce business innovant propose à la nouvelle génération un art de vivre sa sexualité moderne et sans tabou, pour tous, démocratique et inclusif. De l’autre, ce secteur monte en gamme en entamant un flirt décomplexé avec le monde de la mode et du luxe. La comédienne Dakota Johnson s’associait en 2020 avec la jeune marque américaine « d’intimité moderne » Maude. La top model Cara Delevingne faisait de même avec Lora DiCarlo, lauréate du prix de l’innovation robotique du CES, le célèbre salon high-tech de Las Vegas. 

Cette année, Lelo a signé une collaboration avec la griffe de Haute-Couture française On Aura Tout Vu et un partenariat mondial avec la marque de prêt à porter Diesel. Vous n’avez pas encore votre petit « rabbit » ? C’est dommage, car le sex-toy devient le nouvel accessoire de prêt-à-porter. Ne dites plus « sex-shop » mais « love store ». C’est dans cette veine que s’inscrit la start’up française Purple Egg. Dans sa gamme, pas de vibromasseur high-tech, mais des accessoires pour les transporter, en cuir grainé, dans la plus pure tradition de la maroquinerie française. Alban de Villeneuve n’a que 28 ans et c’est sa première entreprise. Son histoire est étonnante, il est presque tombé dans le produit de désir par hasard… 

Comment est née l’idée d’une maroquinerie pour sex toy ? 

Je travaillais près de Lyon chez un maroquinier sous-traitant de l’industrie du prêt à porter de luxe. Je me suis penché sur le réemploi des chutes de cuir que générait notre activité. Son taux est assez élevé dans le luxe. Je voulais trouver un débouché qui ne concurrence pas nos clients. Je m’orientais vers des produits destinés à l’hôtellerie. Puis le COVID est arrivé. Exit le marché de l’hôtellerie, malmené par la pandémie mondiale… qui en revanche a fait exploser le marché des sex-toys. Le créneau s’est complètement réinventé, avec une nouvelle modernité très en phase avec l’époque, à la fois tech et design, un peu dans le style d’Apple. Je me suis dit qu’avec notre savoir-faire Made In France nous pourrions emballer ces produits avec nos chutes de cuir dont la taille est tout à fait adaptée. 

Comment avez-vous démarré l’activité ? 

Comme tout le monde, dans un sous-sol de garage. Je connaissais une personne qualifiée pour dessiner les pochettes, mais il me fallait acquérir pas mal de vibromasseurs de toutes les formes pour faire les essais. J’ai dû faire la queue dans un sex-shop pour récupérer ma commande alors que les boutiques rouvraient à peine après le confinement. La vendeuse m’a dit « c’est vous qui avez commandé pour 2000 euros ? » Je lui ai expliqué mon projet mais elle ne m’a pas cru ! Dans mon garage, nous avons cherché des formes en pliant du papier en origami. Jusqu’à ce qu’on tombe sur ce modèle d’œuf. On a sorti notre premier prototype dans une chute de cuir violet, d’où le nom « Purple Egg ». 

Comment vous êtes-vous financé ? 

J’ai financé les premières recherches avec mes économies puis j’ai obtenu une bourse de la BPI (Banque Publique d’Investissement). J’ai cherché un partenariat avec une marque de sex-toys, et Lelo, qui a un bureau en France, a été très réactif. Mon site internet a été mis en ligne été 2022. J’ai ensuite exposé à Maison&Objet en partenariat avec Lelo et grâce à ma bourse. Le salon m’a permis de nouer des contacts très prometteurs avec des grands magasins. Je peux d’ors et déjà annoncer que nous serons présents au Printemps pour la Saint-Valentin. Je travaille à effectuer une levée de fonds pour ouvrir un atelier de prototypage en 2023. 

Comment s’annonce votre développement ? 

L’idée est de continuer à dessiner des formes originales  et de détourner l’usage des pochettes en sac du soir. Nous avons trois formes d’œuf, en cuir grainé, doublés de velours anti-bactérien. Une autre pochette a la forme d’un révolver, pour les vibromasseurs plus longs qui ressemblent à des pistolets. Le zip court tout-autours avec des arrondis, c’est techniquement assez fort. Tous les détails, les rivets, les tranches, sont très haut de gamme et nous bénéficions des cuirs de grandes maisons. Le sex-toy est un nouvel usage qui est en train d’exploser. Nous accompagnons ce nouvel usage.

Par Caroline Tossan
Illustration ©Sarah Bouillaud

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