Quand la technologie se fait de plus en plus présente, que reste-t-il de l’humain dans nos métiers ? La dernière édition du Baromètre de Maison&Objet nous enseigne qu’il est toujours au cœur de notre activité, indispensable à la créativité comme à la bonne santé des entreprises.
Tous les 6 mois, le baromètre de Maison&Objet interroge sa communauté – retailers distributeurs, prescripteurs, et marques sur une thématique particulière. En avril, l’étude portait sur l’intelligence artificielle et mettait en évidence la conviction largement partagée par les acteurs de l’inexorable adoption de cette nouvelle technologie par nos métiers. 84% des personnes interrogées jugeaient que l’IA allait devenir un outil incontournable. Six mois plus tard, le nouveau baromètre indique que 8 répondants sur 10 affirment qu’incarner personnellement leur entreprise est essentiel à son développement et il met en évidence la force d’un facteur irréductible du bon fonctionnement et de la réussite des entreprises, le facteur humain. Créativité, savoir-faire, relation client, expérience d’achat… L’humain reste essentiel pour créer de l’émotion et renforcer les liens.
« Qu’est-ce qui, selon vous, restera primordial à l’humain dans le cadre de votre activité, malgré le développement de l’intelligence artificielle ? », interroge le baromètre. Quand on détaille les réponses apportées par les professionnels à cette question, l’humain semble d’abord et toujours le plus sûr moyen de créer de la singularité. Artisans ou architectes d’intérieur, ils mettent en avant la prise en compte, à travers l’échange, des attentes des clients pour concevoir des produits ou des espaces sur mesure. Le « sens du beau », le « flair » ou « l’âme » qui guident leur pratique sont pour eux irréductibles aux algorithmes.
« L’humain, c’est le cœur de notre métier », renchérit Coralie Balléry, décoratrice, qui aménage des intérieurs de particuliers. Forte d’une vingtaine d’années de pratique, c’est un aspect de son métier qu’elle affectionne et qu’elle maitrise. Dans l’étude, 7 prescripteurs sur 10 interrogés se considèrent à l’aise sur la connaissance des attentes de leurs clients. « Les clients ont beau nous envoyer des photos, trouver des idées sur les réseaux sociaux, cela ne correspond pas forcément à leur morphologie, à leur façon de vivre, à leur budget. Il faut alors trouver les arguments qui vont leur permettre de comprendre pourquoi ça ne fonctionne pas pour eux afin d’évoluer vers un projet qui leur ressemble plus ».
« L'humain, c'est aussi le toucher, relève la décoratrice Coralie Balléry, les clients ont envie de choses, de matières un peu plus sensibles ». Les marques, les créateurs, soulignent aussi dans l’enquête la recherche par les clients de « la marque de la main dans les objets », un besoin « d’affect dans les rendus », « d’imperfection » qui révèlent et valorisent le geste artisanal, le savoir-faire.
Les objets sensibles sont la raison d’être de la jeune maison La Romaine Editions qui imagine des collections de petits objets du quotidien poétiques et délicats en collaboration étroite avec des artistes et des designers. Si la transmission familiale du goût des belles choses, des mélanges et son appétence pour le travail des artisans a nourri le projet de Pauline Vincent, fondatrice de la maison, son expérience professionnelle lui a confirmé que les attentes du public rencontraient aujourd’hui ses obsessions. De son passage notamment chez Lafayette Anticipations, elle retient « l’écho des objets singuliers, qui ne se ressemblent pas, qui ont une âme » et qui résonne chez les visiteurs et les clients.
L’humain est également au cœur du développement de la jeune marque La Romaine Editions. Pour des raisons économiques, la jeune entrepreneuse a d’abord choisi de vendre en ligne ou via des distributeurs. Elle concède aujourd’hui que « la partie physique est primordiale, pour montrer les objets « en vrai », d’autant que tout est fait à la main. La matière doit pouvoir être appréciée ». Présente sur Maison&Objet, Pauline Vincent multiplie les événements qui lui permettent d’aller à la rencontre de ses clients. Chaque année depuis la naissance de la marque il y a trois ans, elle investit à Noël un lieu pour un pop-up store. Depuis le 5 décembre 2024 et jusqu’au 12 janvier 2025, ses objets s’invitent à L’Hôtel des Académies et des Arts, disséminés dans les chambres ou le salon de ce charmant établissement à deux pas de Saint-Germain et proposés à la vente dans une boutique éphémère.
« Portes ouvertes », « soirées », « expositions en collaboration avec des artisans », « ateliers DIY », « pop-up store » … Ces initiatives sont largement identifiées dans l’enquête comme des outils susceptibles de fidéliser ou recruter des clients. Elles sont parfois pratiquées et souvent envisagées par les professionnels qui misent sur l’humain pour dynamiser leur business. 70% des professionnels interrogés par le baromètre, et tout particulièrement les marques et les prescripteurs, déclarent organiser ou proposer des expériences à leurs clients.
Une démarche qu’encourage Daniela Leonini. « Le magasin doit avoir ce que j'appelle une programmation et une curation, un peu comme un musée ou un théâtre, professe celle qui a été directrice du concept store parisien Merci et a dirigé le retail de la marque de mode Sézane. « C'est-à-dire que tout au long de l'année, il faut prévoir des mini événements ». Avec son agence, Appuntamento, Daniela Leonini conseille aujourd’hui des marques premium lifestyle, mode et beauté. Pour autant, sa recommandation vaut pour tous les lieux de ventes, quelles que soient leur taille et leur puissance. « On peut simplement organiser un goûter », expose-t-elle, comme le font déjà plusieurs gérants ou propriétaires de boutiques ayant participé à l’enquête. « L’important, poursuit-t-elle, c’est d’être cohérent avec son activité. Proposer, par exemple, un atelier pour apprendre à faire sa valise quand on vend des bagages ».
« C'est superbe les réseaux sociaux, les newsletters mais pour accrocher vraiment le client, pour moi, c'est avec le physique », défend Daniela Leonini. Pop-up store, événements en boutique… Le client se sent privilégié. En racontant ensuite non pas ce qu’il aura vu mais ce qu’il a vécu, « le client devient aussi un ambassadeur », remarque-t-elle.
En dehors de ces rendez-vous ponctuels imaginés avec attention, les professionnels ayant répondu à l’enquête mettent en avant les vertus indispensables de l’humain dans la relation client. « C'est les connaître. Se souvenir de leur activité, de leur prénom, de leur histoire », « être disponible », « à l’écoute », « échanger aussi sur des sujets personnels », savoir « rire avec eux au milieu dans un échange de travail », « créer une complicité », « devancer les besoins », « construire un partenariat basé sur la compréhension, le respect », « prendre des nouvelles même s’il n’y pas de projet ou de vente en vue » et pour la plupart « créer un lien de confiance ».
86% des interrogés affirment qu’ils aimeraient consacrer plus de temps à la relation et l’expérience client dans le cadre de leur activité. Et ils identifient clairement les obstacles : 71% ont des problématiques de ressources budgétaires, 59% des problématiques de ressources humaines ou 65% besoin de gagner en compétences ou en aptitudes sur les nouveaux outils, notamment digitaux.
Maison&Objet fait partie de ces territoires où l’humain est irremplaçable et omniprésent. Un salon est tout à la fois le lieu et le moment pour créer de la surprise ou être surpris, pour susciter des événements, échanger sur ses pratiques ou prendre des nouvelles, pour toucher les matériaux, évaluer les produits, sentir l’air du temps, rencontrer des partenaires, des fournisseurs et puis vendre aussi, à des clients en chair et os car comme le remarque un participant de l’enquête, « les clients seront toujours des humains ! ».
Chaque baromètre Maison&Objet dédie une partie de son analyse à la perception par les professionnels d’un nouvel enjeu ou d’un défi auquel le secteur est confronté. Pour cette édition, notre gros plan portait sur la place de l’humain dans nos métiers. Si l’IA allégeait la charge de travail, à quoi consacreriez-vous le temps libéré ? Qu’est-ce qui restera primordial à l’humain malgré le développement de l’IA ? Que signifie créer une relation de proximité/humaine avec ses clients ? Quelles sont les expériences clients concrètes proposées par les professionnels du secteur à leurs clients ? Les réponses à l’enquête révèlent autant les préoccupations premières des acteurs que leur engagement dans des pratiques résolument humaines.
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