Dans le design de collection, il y a, forcément, les pièces historiques qui ont marqué l’histoire du design. Aujourd’hui, il y a aussi et surtout des pièces contemporaines qui sont en train de l’écrire d’une manière plus artistique et expérimentale. Suscitant l’émotion, il attise un marché à haute valeur ajoutée. Il entrera en scène en janvier à Maison&Objet.
Rares - elles sont uniques ou produites en séries très limitées – innovantes - elles explorent des matériaux high tech, des processus inédits – précieuses - elles challengent les savoir-faire et les matières premières. Des galeries exposent ces œuvres, représentent leurs designers, collaborent avec les studios de création. Galerie Kréo ou Carpenters Workshop Gallery à Paris, et désormais à Londres ou à New-York, Lokal Gallery à Helsinki, Southern Guild à Cape Town, Colony à Manhattan, Fumi à Mayfair… Chacune explore des territoires créatifs précis et définis. Le collectible design s’est fait une place dans les foires de design, a fait naître des événements dédiés comme Collectible, à Bruxelles et depuis septembre à New-York, il flirte avec les grandes manifestations de l’art contemporain, un marché qui préfigure l’évolution de celui-ci, encore jeune, du design de collection. La cote de ces pièces hors normes se consolide dans les maisons de ventes aux enchères.
« Aujourd’hui, on recherche les icônes de demain, les pièces emblématiques qui tout à la fois marqueront à la leur temps et dont l’aura perdurera au-delà. » Elizabeth Leriche
En janvier, Elizabeth Leriche investissait l’espace What’s New in Decor ? avec une interprétation spectaculaire du thème Terra Cosmos. Parmi les objets et le mobilier qui illustraient brillamment la tendance, des pièces de Draga & Aurel. A côté de leur collaboration avec des marques comme Gallotti&Radice ou Poltrona Frau, ce duo de créateurs établi à Côme développe depuis 2019 une production plus personnelle, singulière et artistique. La collection Transparency matters est entièrement fabriquée à la main dans les ateliers de Draga Obradovic et Aurel K. Basedow. Ils explorent dans ce cadre des expérimentations matérielles, des combinaisons originales, jouent avec le minimalisme de structures en fer, en bronze ou en béton et des résines colorées. « L’attractivité de ces pièces correspond à une recherche de sens, ce sont des objets porteurs d’une valeur contrastant avec la production de masse, de savoir-faire d’exception. C’est la main de l’artisan mise au service d’un design contemporain qui restera dans le temps. Aujourd’hui, on recherche les icônes de demain, les pièces emblématiques qui tout à la fois marqueront à la leur temps et dont l’aura perdurera au-delà », commente Elizabeth Leriche. Elle s’enthousiasme ainsi pour la démarche de nouveaux venus comme l’éditeur Théorème ou le travail récent de Normal Studio exposé par la Galerie Jousse à Paris. « Mon œil aiguisé attend d’être interpellé et surpris par des objets nouveaux et les rencontres avec les designers », poursuit-elle. Une quête qui anime aussi les architectes d’intérieurs et les décorateurs.
Après une première reconversion, Fabien Colomines, passé du métier de consultant à celui de menuisier, fait aujourd’hui ses premiers pas dans le monde du design de collection. Il en découvre petit à petit les enjeux et les acteurs. Exposé à la Paris Design Factory en septembre 2023, rampe de lancement des jeunes créateurs, mis en avant au salon Maison&Objet en janvier 2024, il a attiré l’attention des professionnels. « Je suis resté collé au stand pendant une semaine ! explique-t-il, J’avais besoin d’être confronté directement à la clientèle, d'avoir des réactions et d’identifier les types de personnes qui sont intéressés ». Ses tabourets et tables basses, pièces uniques ou petites séries de huit exemplaires au plus, ont depuis intégré l’offre de la boutique du Centre Pompidou ou la sélection du Bon Marché, elles ont capté l’intérêt d’institutions et de galeries. Fabien Colomines a également appris depuis que ses créations uniques pourraient à terme avoir plus de valeur que celle ajoutée par son long travail de conception et de confection. Le design de collection, à l’instar de l’art, apparait aussi comme un investissement. Mais sur le salon, il a surtout pu nouer des contacts avec plus de deux cents architecteurs d’intérieurs et décorateurs séduits par son travail. Ses fabrications artisanales et millimétrées, conçues avec des matériaux de récupération, aux finitions précieuses et laquées, charment par leur design tout à la fois accrocheur et intemporel.
« Le design de collection incarne la dimension artistique de la décoration, où le design et l'esthétique se rejoignent pour créer une expérience sensorielle unique et inoubliable. » Nathalie Moreno, Directrice du secteur Signature Maison&Objet
Si les décorateurs et les architectes d’intérieurs sont si attentifs à ces propositions inédites, originales et rares, c’est qu’elles ont un pouvoir narratif et émotionnel. Elles racontent des histoires, suscitent des sensations, provoquent des réactions. Dans l’hôtellerie ou le retail, elles répondent à un enjeu de différenciation majeur. « Le design de collection incarne la dimension artistique de la décoration, où le design et l'esthétique se rejoignent pour créer une expérience sensorielle unique et inoubliable », renchérit Nathalie Moreno qui avec les équipes de Maison&Objet mettra en œuvre en janvier Curatio, une capsule conçue comme une expérience unique et privilégiée scénographiée par Thomas Haarman. Le designer et architecte d’intérieur allemand installé en Belgique est aussi le curateur de cet espace installé dans le Hall 7, au cœur du secteur Signature. Sa sélection comprendra les productions d’une vingtaine de créateurs, des objets « en séries limités, produits en Europe, à la dimension artistique notable et valorisant un savoir-faire d’exception » pour un rendez-vous qui le sera tout autant.
L'ART ET LA MANIÈRE