Le maillage d’artisans combiné au réseau d’architectes d’intérieur français constitue un terroir à la fécondité toujours plus étonnante. Pour exemple, la joyeuse collaboration entre la décoratrice Stéphanie Coutas et le plumassier Julien Vermeulen.
«La plume est un matériau naturel à l’ingénierie trop complexe pour être reproduite. Pour les oiseaux, elle est à la fois une armure, un camouflage, un langage, un instrument d’aéronautique. Elle difracte la lumière et crée des reflets incomparables. » Julien Vermeulen est artisan d’art. Installé dans le bien nommé village de Coutures, dans le Maine et Loire, lauréat du prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main, il compte dans sa clientèle nombre de maisons de couture ou de joailliers. Depuis quelques années, le plumassier s’est fait aussi artiste plasticien, composant des tableaux noirs de jais aux reflets comparables à ceux d’un tableau de Soulages. « La mode induit de multiples contraintes, dit-il, le corps en mouvement, les fermetures, des volumes complexes. J’ai commencé par réaliser des panneaux, en me servant des plumes comme d’une palette de peintre. Je m’ouvre désormais au monde de la décoration. » Avec l’architecte d’intérieur Stéphanie Coutas, Julien Vermeulen vient de présenter le guéridon Cambium dont le pied a reçu une marqueterie de plumes, ainsi que la lampe Valentina dans une version corsetée d’un joli plumage, fixé par des fils d’or et coton. Stéphanie Coutas est une amoureuse du bel artisanat d’art. Bronze, bois précieux, cristal, broderie font partie de son vocabulaire pour ses décors luxueux ou sa ligne de mobilier d’exception. « C’est un travail à quatre mains, dit-elle. Les artisans arrivent avec leurs échantillons, je les emmène dans des directions où ils ne pensaient pas aller. » Elle se réjouit de cette première, tant il est rare de voir apparaître des plumes dans les décors de luxe. « J’ai travaillé 15 ans dans l’industrie de la mode, dit-elle, mon studio de design et d’architecture fonctionne comme une maison de haute-couture. Le travail de Julien m’a parlé tout de suite. » Présentés par Galerie Parisienne, qui représente Julien Vermeulen, leur première rencontre a été effervescente. « Les gens ont souvent en tête le côté frou-frou/boa, mais la plume a mille visages, dit Julien. Il faut s’en servir comme d’une couleur. » Après cette première, Stéphanie Coutas imagine des inserts de plume dans des panneaux muraux où leurs reflets contrasteraient avec un plâtre mat, comme une peinture sophistiquée. Julien Vermeulen, lui, pense désormais à des dos de sièges, des paravents, des velours de brins d’autruche. « Nous venons d’acquérir un métier à tisser pour proposer une gamme de tissus d’intérieur », dit-il. Nul doute que la plume va bientôt s’envoler.