Vivre sans plastique, c’est fantastique

Avant leur grand tournant professionnel, Chantal Plamondon et Jay Sinha étaient déjà de fervents militants écologistes québécois qui recyclaient, compostaient, mangeaient bio. Occasionnellement, Jay aimait aussi faire des câlins aux arbres. Chantal est une brillante juriste, qui travaillait à l’époque pour le gouvernement canadien. Idem pour Jay, qui ajoute à ses compétences des diplômes de biochimie et d’écotoxicologie, l’étude de l’impact des produits chimiques sur l’écosystème.

Au début des années 2000, le couple souhaite monter une entreprise qui leur permettrait de vivre plus en accord avec leur mode de vie et leurs valeurs. En tête de liste, il y a l’éradication du plastique. Pas facile, dans un pays où même les billets de banque sont fabriqués dans un polymère résistant à l’eau… Chantal est persuadée que le moindre petit geste domestique est le petit ruisseau qui donne de grandes rivières. C’est l’arrivée de leur premier enfant qui provoque l’étincelle. A l’époque, en 2005, quelques magazines alertent sur la toxicité des biberons en plastique. La future maman prend peur et se met en quête de biberons « à l’ancienne », en verre. Elle ne trouve à proximité qu’une seule entreprise, Evenflo, qui les vend en gros, par série de 1000… désespérant. Un jour qu’ils se rendent en voiture chez des parents à Montréal, le petit Jyoti endormi à l’arrière dans son siège bébé, Chantal a l’illumination : pourquoi ne pas monter un site internet qui vendrait  des produits substituts au plastique ? Aussitôt dit, aussitôt fait. Elle prend une année sabbatique et lance en  2006, Life Without Plastic, un site où l’on trouve quelques alternatives. Son premier plaisir est de commander 1000 biberons en verre à Evenflo… dans ses premiers best-sellers, on trouve également les bouteilles américaines en acier inoxydable Klean Kanteen. Tout de suite, les clientes les plus nombreuses à se manifester sont celles du pays du Tupperware, les Etats-Unis.

« Chantal et Jay trouvent des substituts au plastique pour que je n’en trouve plus en mer. », Capitaine Charles Moore

Le plus grand vivier d’alternatives au plastique se trouve dans l’univers des boissons et de la conservation des aliments. Les bouteilles en plastique à usage unique représentent de loin le premier volume de déchets. Au départ, Chantal et Jay trouvaient judicieux de les réutiliser pour ne pas les jeter. Avant d’apprendre que c’est le meilleur moyen pour boire des particules de plastique instable. Il faut aussi s’assurer que les produits de substitution ne soient pas livrés aux clients … dans un emballage plastique. Le chemin est long, il faut s’armer de patience. Chantal et Jay s’attaquent également à l’univers de la puériculture. Ils sont visionnaires : en octobre 2007, le Canada est le premier pays au monde à interdire Bisphénol A, une matière chimique qui entre dans la composition du plastique dur transparent, notamment pour les biberons. Le BPA est un perturbateur endocrinien. Il faudra attendre juin 2010 pour que la France légifère, et 2015 pour que tous les contenants alimentaires, comme les intérieurs de boîtes de conserve, n’en contiennent plus. Avec le temps, les interdictions se succèdent : sacs en plastique à usage unique, pailles, cotons tige, gobelets… Chantal et Jay sont devenus de véritables spécialistes du sujet. Ils ont publié un livre : Life Without Plastic : The Practical Step-by-Step Guide to Avoiding Plastic to Keep Your Family and the Planet Healthy, (Page Street Publishing), traduit en français : Vivre sans plastique, des outils écologiques à notre portée (éditions Ecosociété) etde nombreuses autres langues. Leur site propose aujourd’hui plus de 450 produits différents : contenants en acier inoxydable, avec couvercle, pour aller au frigo, en tissus pour le vrac. Des gobelets et des tasses en verre ou transportables en inox. Des biberons en verre, des cotons démaquillants lavables, des shampoings solides sans bouteilles, des pailles en métal et même des pochettes à sandwich en tissus. Ils ont acquis une telle expertise qu’ils vendent désormais en gros, ce qui les a menés à ouvrir un bureau en Europe et exposer au salon Maison&Objet. « Notre stratégie d'expansion en Europe vise d'abord les commerces de détail plutôt que les consommateurs en ligne, ce salon paraissait particulièrement pertinent », explique Chantal Plamondon. « Il nous permettait de nous faire connaître auprès  d'une clientèle nouvelle qui ne se situe pas directement dans notre niche écologique traditionnelle, mais dans un marché plus large ».

Ils savent que vivre sans plastique n’est pas encore possible aujourd’hui. Les ordinateurs, les téléphones, les voitures n’ont pas encore fait leur mutation. Leur approche est celle de faire « du mieux qu’on pourra ». Le Capitaine Charles Moore, cet Américain qui a révélé au monde l’existence d’un continent de plastique flottant dans le Pacifique, salue leur action : « Chantal et Jay sont des chercheurs comme moi (…),  ils trouvent des substituts pour que je n’en trouve plus en mer ». La première règle : acheter le moins de plastique possible pour ne pas avoir à en produire. Une autre piste est le recyclage. L’emploi quand on peut de matières naturelles : le bois, le bambou, le coton, le jute, le verre, l’inox, la céramique, les fibres naturelles etc. Ainsi, ils tendent vers la première phrase de leur manifeste : « Notre vision est un monde sans combustible fossile dérivé du plastique. Point. »

Par Caroline Tossan
Illustration © Sarah Bouillaud

Life Without Plastic